C’est comme ça que mon histoire a commencé. Enfin, notre histoire. Je pourrais dire ma vie, mais non, ma vie elle avait commencé un peu avant, et il n’y a pas grand-chose à en dire… je n’ai pas trop envie de m’en souvenir, elle n’a pas été franchement clémente puisqu’elle m’a conduite jusque derrière les grilles d’un refuge, par un bel été ensoleillé. Certes la gamelle était toujours pleine et j’arrivais bien à grappiller quelques caresses grâce à ma bonne bouille… mais quelle enfer pour moi cette cage de 4m² ! J’avais les coussinets qui me démangeaient, moi, et ce n’est pas la courte balade quotidienne qui pouvait calmer ma frustration… et plus je tirais sur cette laisse à m’étrangler, plus la liste des volontaires pour me sortir du box diminuait ! Et puis un jour la grille s’est ouverte et une nouvelle humaine est entrée. Elle n’avait pas de collier, mais une espèce d’équipement bizarre qu’elle a eu toutes les peines du monde à m’enfiler (parce que j’avais quand même bien compris qu’elle était là pour qu’on aille faire un tour, alors je lui ai montré que j’étais très, très content !!)

Et puis on est sortis. Alors je me suis lancé… j’ai attendu quelques foulées et pour la première fois depuis longtemps, je n’ai pas senti la butée du collier. J’ai continué à galoper, et non seulement l’humaine me suivait, mais elle avait l’air contente, elle m’encourageait !! Je pouvais courir, je respirais, nos deux cœurs et nos 6 pattes étaient au diapason d’un même élan ; on voulait la même chose : aller plus vite, encore…  Alors je me suis dit : « toi ma grande, je vais te montrer un peu de quoi je suis capable ! » Et on a fait des tours et des tours de forêt, on est allés se baigner, puis on a couru encore. Et puis il a fallu rentrer au box. J’ai eu droit à plein de caresses, elle m’a ôté le harnais et promis qu’elle reviendrait. C’était long mais elle a tenu parole ; le lendemain elle était là, et je ne sais pas qui était le plus heureux de nous deux. Un jour on est montés dans sa voiture et quand je suis descendu, il y avait une foule de chiens reliés à leur maître et qui me ressemblaient, avec la même étincelle dans le regard, la même envie de se donner à fond… c’était magique ! C’est là, je crois, qu’on a commencé à se dire que c’était plus que de partager un simple effort ; c’est là qu’on a pu mettre un mot dessus : « symbiose »

Et puis un jour elle est venue me chercher mais ce n’était pas pour aller courir ; elle a ouvert la porte du box, on est montés dans la voiture et quand elle a ouvert la portière, on était dans la cour d’une maison. Sa maison, mais aussi celle de sa famille, de 4 autres chiens, de  3 chats et je ne sais même plus combien de chevaux. Elle a dit : « Écout- moi bien, mon loulou. C’est pas gagné et ça sera peut-être pas facile, mais à toi de me prouver que je ne me suis pas trompé… c’est ta chance, voire la nôtre, alors saisis-la et la seule cage que tu ne connaîtras jamais à l’avenir sera celle de transport ». Pour qui me connait un peu, c’est vrai je suis un peu fou… mais pas stupide ! Certes ça impliquait de ne pas fuguer, de ne pas manger de chats, ni mes congénères… mais ça, c’était le « moi » d’avant, celui du refuge qui avait besoin d’un exutoire à son trop plein d’énergie mal canalisée !! … Bon, je l’avoue, courser les félins est une manie dont j’ai parfois du mal à me départir… quant aux autres chiens, tant qu’ils ne sont pas sibériens, je peux même être un vrai pote, mais je travaille à l’acceptation de mes homologues aux yeux bleus ! J’arrive même la plupart du temps à faire oublier qu’il est possible que mon arbre généalogique ait quelques branches molossoïdes… une vague rumeur lancée par une mâchoire un peu large et de très jolis yeux en amande, mais ma maîtresse se tue à leur expliquer que je suis un épagneul breton à poil dur !!

Ah oui parce que du coup : j’ai une maîtresse… Enfin, chez nous on dit « binôme ». Et on en a fait, du chemin, elle et moi, en presque deux ans, dans tous les sens du terme !! Et il nous en reste encore beaucoup à parcourir, parce que ce n’est que le début de notre histoire, finalement. Avec mon pote Z, mon voisin de box au refuge qui n’a pas non plus volé sa place dans l’équipe aux côtés de l’amoureux de ma canicrosseuse (enfin, devant !), à pied, en vtt ou en trottinette, à la mer, à la montagne, on a arpenté des kilomètres de chemins ! … Et on en a aussi fait pas mal en voiture : Les plages de Bretagne et de Vendée, le sable des Landes, les sentiers toulousains, les forêts limousines et auvergnates, jusqu’aux sommets des Alpes et leur mythique course du Trophée des Montagnes,  je ne saurais dire lesquels nous ont procuré le plus de plaisir… tous ! Et je peux me vanter d’avoir transmis le virus à toute la famille, parce que j’aime tellement ça courir, que quand la grande est rincée, à moi il me reste encore assez d’énergie pour emmener ses filles décrocher des médailles et surtout des sourires qui valent toutes les récompenses du monde. Jusqu’au dernier Trophée Fédéral où nos efforts nous ont propulsé sur la troisième marche du podium, elles et moi, prouvant qu’une bonne alchimie et de l’entraînement pouvait permettre à un petit corniaud sorti de nulle part de côtoyer les meilleurs.

Et vous ne savez pas la dernière ? En octobre nous partons en Italie représenter notre pays aux côtés de l’équipe de France aux championnats d’Europe !! Mais attention, ne vous y trompez pas : je ne suis pas qu’une machine de guerre, j’ai d’autres passions dans la vie, parce qu’il ne faut jamais mettre tous ses os dans le même trou et qu’il faut penser à la retraite (mais ça c’est dans très, trèèèès longtemps !)… je suis également hyper performant en « va-chercher-la-baballe » (même après un trail de 20 km, si si !!), champion en Chien de Canapé et je me défends pas mal en Chien de Câlin… Á la maison, ils disent que je suis presque parfait… j’avoue qu’ils ne sont pas mal non plus… je me demande qui est devenu le plus indispensable à l’autre ? …ça doit être ça, être canicross-addict !

Claire

BOY